Bon, v'là un copier/coller d'ma dissert' de philo, dont on a parlé au concert, pour ceux qui ont le courage de la lire... Dans une semaine, la note! :-)
Mon corps est-il pour moi un ami ou un ennemi?
On ne peut s’imaginer vivre sans corps. Il est là depuis que nous sommes nés, il nous suit jusqu’à la mort. Il est nous, ou presque. Mais ce corps, ce corps avec lequel je vis, est-il pour moi un ami, ou bien un ennemi?
Il faut d’abord se poser cette question: que serais-je sans corps? L’être que je suis, capable de penser, l’est-il parce qu’il a un corps, ou non?
Avant de naître, je n’avais pas de corps, et je ne me souviens pas de ce que j’étais. Cela doit vouloir dire qu’avant de naître je ne pouvais penser, que cette capacité me vient avec l’attribution de mon corps. Dans ce cas, mon corps est un ami: c’est grâce à sa présence que je suis, grâce à son existence que je peux penser. Apparemment, sans lui je n’existe pas, puisqu’avant de le posséder, je ne pensais pas.
Mais qu’est-ce qui, dans le corps, me permet de penser, me fait prendre conscience de mon existence? Mes sens. Mes sens me permettent de sentir, de ressentir les choses, et donc de penser. Ils font de mon corps un ami: ils peuvent être flattés, et donc me conduire au plaisir: le plaisir d’un carré de chocolat fondant sur la langue, celui d’une oeuvre-d’art que j’admire, celui d’un être cher que je caresse. Ces plaisirs sensitifs font clairement de mon corps un ami: quoi de plus amical que de provoquer le plaisir d’autrui, que d’amener l’autre à la plénitude, au bonheur?
Au-delà même de ces sensations, mon corps me permet d’accomplir des faits dont je peux être fier ,d’accomplir ce dont j’ai envie: les athlètes s’entraînent toute leur vie pour devenir champions, un musicien fait naître sous ses doigts la musique qui enchantera les foules. Accomplir ce que je veux est un plaisir indéniable auquel seul mon corps, cet ami, peut me conduire.
Avec l’exemple du musicien naît la notion de partage: en effet, mon corps me permet d’interagir avec le monde extérieur, avec les autres, avec mes semblables. Quel plaisir plus intense que celui que l’on partage avec autrui? Si je n’étais qu’un esprit, une entité sans corps, comment parlerais-je à mes amis, comment partagerais-je avec un artiste sa vision du monde?
Ainsi mon corps, à travers les sensations qu’il me procure et les choses qu’il me permet d’accomplir, est un ami. Mais ces sensations sont malheureusement à double tranchant.
En effet, les sensations que j’ai grâce à mon corps ne sont pas que positives: il est aussi capable de me faire souffrir, par exemple. Par-delà la simple souffrance physique, mon corps peut exercer une réelle douleur psychologique, et ce même au travers des sensations positives qu’il me fait ressentir: cela peut entraîner une perturbation de mon jugement, comme chez les chasseurs d’adrénaline par exemple, qui font fi du danger dans le but de ressentir une fois de plus cette sensation enivrante. La torture reste un exemple majeur d’utilisation de la douleur physique pour faire sauter les verrous psychologiques qu’un être a placés sur une information qu’il ne veut divulguer.
Par ailleurs, la souffrance psychologique induite par le corps peut résulter d’une incapacité: alors qu’un maître yogi ou qu’un athlète repousse les limites de son corps pour en faire un ami (bien que certains athlètes soient comme “trahis” par leur corps, lors de blessures par exemple), les handicapés moteurs, eux, voient en leur corps un ennemi: il ne leur permet pas de faire ce que les autres peuvent faire. Le corps, qui permet aux autres mille choses: marcher, voir, sentir, entendre, jouer, sauter... ne permet ici plus rien, ou peu de choses. Comment dès lors le considérer comme un ami?
Enfin, il faut considérer un autre aspect, devenu primordial de nos jours: le critère de beauté. Mis à part ceux qui n’en ont cure, il y a deux catégories de gens: ceux qui se voient beaux (qu’ils le soient ou non), et qui font par conséquent de leur corps un ami, un allié pour la vie. D’autres, au contraire, en viennent à détester leur corps, le trouvant laid, et se replient sur eux-mêmes, ou sombrent par exemple dans l’anorexie. Dans ce cas, le corps est considéré comme un ennemi. Malgré tout, ce n’est pas là le corps qui est l’ennemi (bien que ce soit son existence qui provoque la maladie), mais bien l’esprit.
Le fait que je considère mon corps comme un ami ou comme un ennemi résulte donc d’une pluralité de critères et de faits qui dépendent de mon vécu, du vécu de chacun, chacun ayant un rapport différent avec son corps, et même un rapport différent avec lui selon la période de l’existence. Mais dans l’absolu, qu’en est-il?
Pour le savoir, il faudrait que je connaisse le but de ma présence sur Terre. Ainsi, je pourrais comprendre si je dois voir en mon corps, en mon enveloppe charnelle, une contrainte ou un bienfait. Si je suis là pour rechercher le bonheur, par exemple, mon corps m’y aide le plus souvent: plaisirs, adrénaline, etc. Mais il peut aussi m’empêcher d’y accéder: douleurs, incapacités, ... Si je suis sur Terre uniquement pour réfléchir sur le monde qui m’entoure, mon corps apparaît clairement comme une contrainte: il faut le nourrir, le laver, l’hydrater, en prendre soin. Mais d’un autre côté, comment observer ce qui m’entoure sans mes yeux, comment sentir la chaleur du soleil sans ma peau, comment entendre le chant des oiseaux sans mes oreilles? Comment réfléchir dessus sans en soupçonner l’existence?
Mon corps est donc le premier de mes amis, mais aussi le premier de mes ennemis: je dois vivre avec lui, il me sert et je ne peux m’en passer: la perte du corps est la mort, et personne ne sait ce qu’il y a après. Là est peut-être l’ultime réponse: si ce qu’il y a après n’est que bonheur et amour, alors c’est que mon corps était un ennemi m’empêchant d’y accéder, mais un ennemi me portant malgré tout jusqu’à ce bonheur. Si ce qu’il y a après la mort n’est que malheur et désolation, c’est que mon corps était mon plus fidèle ami, me protégeant de ces horreurs aussi longtemps qu’il le pouvait.
Accueil 
)
)
